vendredi 8 mai 2009

Service de raccompagnement

Assis sur le même siège depuis maintenant presqu'un mois déjà, j'attend fébrilement que le répartiteur fasse la rotation du poste 30 de Boucherville. C'est le poste de nuit au Complexe 20/20 situé en bordure de l'autoroute 20. La nuit fut calme. Plus calme qu'à l'habitude je dirais même plus. Et pour un jeudi soir, c'est du jamais vu. Heureusement que l'appel que je ferai bientôt, avant de quitter pour de bon mon quart, sera le meilleur de la soirée.

Il sera bientôt 3h30 et je suis le prochain à prendre un appel. Sur les dix appels passés, peut-être deux ou trois proviennent de débits de boisson. Et encore, la clientèle était de bonne humeur pour changer. Pour une fois dans mes rares moments de conduite, je pouvais me compter chanceux d'avoir du monde «comme il faut» à reconduire à la maison.

La voix de Marc qui me parvient de mon radio-taxi crépite légèrement et je me demande si mon véhicule n'est pas mal placé sur le poste. Car il arrive fréquemment que certaines voitures reçoivent à peine le signal transmis par l'antenne de la compagnie de taxi qui se dresse, quant à elle, dans la cour arrière comme un pylône électrique sans fils. Donc si le signal passe mal, le répartiteur ne verra pas le numéro du taxi s'afficher sur sa console, pensera que la station est vide et irait au poste suivant. Sauf que la nuit, on a pas de poste suivant et c'est encore heureux !

Très important de vérifier si mon signal est bien reçu à la centrale. Je clique sur le bouton du micro et le bip sonore m'indique que le signal est passé... Ouf ! Je me demandais si j'allais le recevoir. Moi qui ne manque quasiment pas les appels qu'on me transmet.

Le double clic sonore de l'appareil se fait entendre et la fenêtre de celui-ci s'éclaire subitement. Le texto apparaît et je me penche pour mieux lire. La paire de lunette de lecture bien calée sur le bord du nez, je devine avoir reçu deux textes. L'adresse du client ainsi qu' une remarque l'accompagne. «1. Confort Inn - 2. *Taxi Hic»... Évidemment, Marc devait me demander si je faisais des raccompagnement. Et comme il savait que je les refusais lorsque je travaillais à Longueuil - i.e. mon blogue «À bord du 558» - je les acceptais plus facilement à Boucherville. Ne me demandez pas la raison, je la connait mais je ne suis pas prêt encore à la raconter. Mais ça viendra, n'ayez crainte.

Je savais qui était placé derrière moi. Noël est un jeune chauffeur dans la vingtaine, bien gentil et bien sympathique, malgré son impatience marquée envers quelques collègues ayant l'habitude de travailler de nuit, comme nous deux. Je pouvais le comprendre aussi puisque j'avais moi-même adopté une attitude de méfiance envers ces chauffeurs récalcitrants : ils prennent des voyages ne leur appartenant pas, vont jusqu'à réserver des appels vers l'aéroport de Dorval ou ailleurs via leurs cellulaires ou vont se rapporter pour le prochain appel avec le même client à bord. Pas étonnant que la plupart d'entre-nous sèche sur les postes. Et le pire dans toute cette histoire, c'est que la compagnie le permet. Mais seulement à Boucherville. Et nous sommes pourtant la seule boîte à pouvoir prendre les clients en charge. Y comprenez-vous quelque chose ? Moi si : le président possède un ou deux permis de taxi sur ce territoire. Vous faites le lien maintenant ?

Je suis désolé d'avoir eu à partager ce genre de conflit qui se produit trop fréquemment entre collègues lorsque la compagnie ne fait rien (ou ne veut rien faire) pour le régler mais comme c'est une situation vécue et bien réelle, et qui doit certainement se vivre ailleurs qu'à Boucherville, voir à travers tout le pays, je me devais de vous en glisser un petit mot. Comme la plupart de la clientèle ne voit pas le taxi du même oeil ou du même angle que nous, je crois qu'il faut être honnête avec nos clients, et pareillement avec les lecteurs/trices de la blogosphère.

L'industrie du taxi étant ce qu'elle est, tout le monde à intérêt à bosser de façon honnête. Mais entre le dire et le faire, il y a une différence. Une grosse différence. Nous n'avons que 17 permis dans tout Boucherville. La clientèle se fait plus rare sans compter celle que nous avons déjà perdue, pour des raisons bien justifiées pour la plupart, je présume. Tout le monde se serre la ceinture et cette ville n'y échappe pas. Et nous non plus d'ailleurs.

Arrivé devant la réception du chic Confort Inn, le propriétaire de la Honda Civic bleu marine se pointe le bout de sa fraise devant ma portière. j'avais le prénom du client et je m'informe de son identité après avoir descendu la vitre. Après avoir satisfait ma demande, je montre la caisse à Noël qui s'empresse de monter à bord et de s'installer au volant. Notre destination finale était l'hôtel W à Montréal. Comme dernier «call» à chacun de nous, ça se terminait en beauté, j'avoue.

Durant le parcours, tout se passe bien. Nous filons sur la 132 vers l'ouest. La route est calme et la chaussée est belle. Tout y est pour ce faire une petite pointe de vitesse. Et... je l'ai fait malgré moi. Pas trop le choix, mon collègue voulait tester sans doute ce petit bolide «made in Japan» et il l'a fait sans peine. Bah, seulement un petit 130 km/h, et vraiment pas longtemps non plus, rassurez-vous. J'étais seul dans mon auto et j'aurais refusé avec du monde à mon bord, cela va de soi.

Toujours sur la 132 vers l'ouest, on venait de dépasser la sortie Rolland-Therrien lorsque la Honda Civic venait d'activer son clignotant avec l'intention de se ranger sur l'accotement. Je me suis garé juste derrière et j'ai crû que Noël voulait me céder le passage. Peut-être ne connaissait-il pas le bon chemin pour se rendre au W ? J'allais le savoir assez tôt. La portière droite arrière s'ouvrit pour laisser passer une tête à l'extérieur. Et la tête en question se pencha vers le sol pour... je vous laisse deviner la réponse. J'en ai parlé assez souvent lors de précédents billets. C'est probablement pour cette raison que j'avais choisi de conduire mon taxi plutôt que la voiture de la cliente...

Après avoir dégopillé un bon cinq minutes, nous sommes reparti vers Montréal. Un 2e arrêt fut nécessaire peu de temps après le premier. Après avoir traversé le pont Victoria, nous sommes arrivé à un passage à niveau et, comble de malheur (ou de bonheur plutôt), un train de marchandise roulait à un bon 35 à 40 noeuds (unité de vitesse utilisée en navigation maritime et aérienne. 1 nœud correspond à 1 mille marin par heure, soit exactement 1,852 km/h ou 0,514 m/s). Et ce foutu train était long. Tellement long. Mais le compteur tournait, encore et toujours, malgré cet arrêt bien involontaire de notre part.

Dix bonnes minutes plus tard et quelques wagons plus loin, nous étions repartis. Évidemment, le passager assis à l'arrière du conducteur temporaire, c'est à dire mon estimé collègue Noël en avait profité pour rouvrir la portière et faire le vide d'un estomac et de ses boyaux torturés par les efforts musculaires afin d'alléger un bol gastrique en piteux état.

Arrivé au dernier croisement de feux de circulation, on pouvait apercevoir l'hôtel et un bon espace de stationnement directement devant la porte principale. L'un des passagers assis à l'arrière et surement pas le malade de la gauche sortit aussitôt pour s'engouffrer dans le bâtiment de la rue McGill. Heureusement que j'avais décidé de laisser le compteur tourner... Il avait pris un gros 15 minutes pour se décider à prendre une chambre dans un tel établissement de luxe. Et le prix en valait largement la chandelle, croyez-moi.

Le type malade entreprit de laisser son empreinte «gastrique» sur le bitume et lorsqu'il sortit à son tour, il mit les pieds droits dedans. Faut le faire... J'ai dû sortir une fois du taxi pour rencontrer le collègue de travail, lui qui attendait en super bonne compagnie le «boss» de la gang parti à l'intérieur. Après avoir fait soigneusement et délicatement le tour de la gerbe puante étalée devant la portière arrière, Noël et la propriétaire de la voiture était en pleine discussion. Évidemment, comment ne pas vouloir discuter avec une jeune et jolie femme ayant un gabarit de soutien-gorge assez élevé et, par la même occasion sous les yeux sans arrêt ?

Quand tout fut réglé et plusieurs minutes plus tard, mon sympathique collègue était assis à mon côté et nous étions reparti rapidement en direction de Boucherville. La soirée avait été bonne pour nous deux et il était grand temps qu'elle prenne fin. On a discuté et on a bien rigolé de ce voyage pendant le trajet de retour. La proprio aux gros seins, le type qui ne cessait pas d'ouvrir sa portière et de gerber, le train de un kilomètres de long, roulant à très basse vitesse et le compteur tournant sur le mode «distance», on peut dire que ce voyage fut notre certainement le meilleur de la soirée. Même encore aujourd'hui (ce samedi matin), on en reparle encore...

Bonne nuit !

* Taxi hic : Service de raccompagnement. Comme le fait Nez Rouge ou .08, le client demande que sa voiture soit reconduite en même temps et jusqu'à son lieu de résidence. Celui-ci devra parcontre débourser le double du prix habituel affiché au compteur : le second chauffeur de taxi a fait le même trajet avec la voiture du client. Et puis, le conducteur qui conduit la voiture-taxi doit ramener son collègue à l'endroit où il avait laissé le sien. Mais le service est bien efficace et sauvera temps et argent à celui ou celle qui l'utilisera. Et vous ? L'avez-vous déjà fait ?

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6 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'ai jamais utilisé les services ni de Nez Rouge, ni de Taxi Hic (qu'on a ici aussi sous un autre nom), tout simplement parce que j'ai pas d'auto!

Jean-François a dit…

@ Lily : Au moins tu as un souci de moins... ;)

Drew a dit…

«Dix bonnes minutes plus tard et quelques wagons plus loin, nous étions repartis. Évidemment, le passager assis à l'arrière du conducteur temporaire, c'est à dire mon estimé collègue Noël en avait profité pour rouvrir la portière et faire le vide d'un estomac et de ses boyaux torturés par les efforts musculaires afin d'alléger un bol gastrique en piteux état.»

C'est normal que j'aime particulièrement ce paragraphe? Ça m'a fait crouler de rire!!

Pour ma part, Nez Rouge on oublie ça! L'idée est très bonne là mais le temps d'attente est incroyablement long pour moi et ma patience légendaire...

Plus souvent qu'autrement, c'est la Reine ma raccompagnatrice car elle ne boit pratiquement pas ;-) Disons que j'me suis calmé un tantinet aussi!

Jean-François a dit…

@ Drew : Heureux d'apprendre que ta rate soit si bien portante mon cher... ;¬)

Madame Potine a dit…

Je n'ai jamais pris de raccompagnement en taxi, mais avec Nez Rouge, oui. Je ne savais pas que les compagnies de taxis offraient ce genre de services, bon à savoir.

Très bien écrit ton billet, c'est comme si nous étions avec toi.

Merci de ta visite sur mon nouveau blogue.

Jean-François a dit…

@ Les "POTINS" de la blogosphère : Merci beaucoup pour le compliment!

Je vous retourne la pareille pour le vôtre.

J'ignore encore si vous êtes maman mais je ne prendrai pas de chance en vous souhaitant tout de même une belle fête des mères...;)

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