dimanche 14 juin 2009

Une insolence de taxi

Une autre belle journée ensoleillée et chaude que je ne verrai pas encore. Récupération du corps et de l'esprit obligatoire pour les travailleurs de nuit. Il est présentement 8h45 du matin, en ce dimanche 14 juin 2009, je suis assis sur l'une des six chaises de cuisine qui fait office de chaise d'ordinateur. Ce n'est guère confortable mais c'est tout de même mieux que pas de chaise du tout.

Je suis arrivé à la maison vers 6h00. J'ai dû me stationner, encore une fois, loin de mon entrée de garage. Ma femme m'avait avertit de le faire au cas où les ouvriers reviendraient (pour réparer le béton de notre balcon et de celui du voisin d'en haut) pour cette deuxième journée, soit aujourd'hui même. Mais le feront-ils ce dimanche ? J'en doute fort. Et dire que l'Escape est stationnée à l'autre bout de la rue...

Tôt ce matin, j'ai embarqué un couple en provenance du club de la Commission des Liqueurs. Un nouveau club sélect pour les branchés de la grande région montréalaise. La fermeture était houleuse et comme je le redoutais, tout le monde se garochait sur les taxis de Boucherville, déjà trop peu nombreux pour pouvoir éponger cette clientèle potentiellement généreuse et susceptible à la fois.

L'homme me demande si je connais Varennes. Je répond dans l'affirmative mais qu'une fois rendu à l'intérieur des limites de la ville, il devra me guider vers sa résidence. Après avoir répondu un "C'est beau !" d'un air qui en disait long sur mon état d'esprit. Finalement, je pris la direction de la route 132. J'ai toujours pris pour habitude d'emprunter cette route qui mène directement à Varennes et vers la vieille ville, qui plus est. Pourtant, l'homme - qui devait parler pour sa copine - me demanda de prendre par l'autoroute 20 et puis la A-30 vers l'est.

"C'est deux fois plus cher par ce chemin", lui ai-je répliqué. et lui de répondre par un "je m'en criss-tu ?" assez sec. Ok bonhomme. C'est ton argent après tout ! Pourtant, cette pauvre cloche bourrée de verres de bière et de shooters commençait à me faire suer. Aussitôt sorti du stationnement, monsieur me donne déjà la direction à suivre pour sortir du... parking !

"Tourne à droite au prochain coin." Ok boss. J'effectue un virage à droite après avoir fait mon arrêt obligatoire. Il continue de parler avec la fille assise juste derrière mon dos et regarde constamment devant lui. "Tu tourneras à gauche au prochain stop." T'es sérieux ? Me disais-je, un sourire en coin. Et comme s'il avait su ce que je venais de dire dans ma tête, il me dit le plus sérieusement du monde : "Je suis ben sérieux, tsé !" Ben kin ! "Écoute ben le jeune, la ville de Boucherville est juste un peu plus grande que la tienne pis je pense savoir comment sortir d'ici et prendre l'autoroute 30."

"Désolé monsieur le chauffeur" qu'il me dit sur un ton d'excuse qui semblait posséder un brin de sincérité. "C'est beau, pas de problème." Une fois rendu sur le boulevard de Montarville, j'accélère mais tout en respectant la limite de vitesse de 50 km/heure. Je roule peut-être à 58 mais pas un chat sur ce grand boulevard tout en ligne droite. En arrivant au carrefour de la rue de Touraine, le jeune prétentieux me demande de virer à droite. À la dernière minute. Je dois freiner brusquement pour ne pas passer tout droit. Heureusement que personne me suivait à l'arrière. Heureusement que je jetait fréquemment un oeil sur ce singulier personnage, tout en vérifiant ma bulle, mon espace autour du taxi. Autrement dit, la rue était déserte.

Je le regarde par le rétroviseur intérieur et lui lance sèchement : "Tu pouvais pas me le dire d'avance ? Si tu tiens à me guider avant chaque virage, je m'en sacre. Mais dis-le moi AVANT de tourner. C'est possible, oui ?" Je le fixais droit dans les yeux et je sentais qu'il le supportait mal. Je voyais bien qu'il essayait de détourner le regard mais je montais le ton pour être certain qu'il me comprenait bien. Sa copine, quant à elle, n'en avait rien à foutre : elle dormait depuis belle lurette.

Arrivé (enfin) à Varennes, mon jeune client ne se gênait plus pour me montrer son chemin vers sa belle et grande demeure. Un autre jeune qui se pétait les bretelles pour montrer le fruit de son labeur. Si labeur il y a.

"Tu peux arrêter ici." Bon. J'allume la lumière du plafonnier pour qu'il puisse piger dans ses poches et me donner le fruit de MON labeur. Et durement gagné je vous prie, moins les insultes au passage. Il réveilla du coup la fille endormie à ses côtés, lui ouvrit la portière d'une main et me tendit les billets de son autre main valide. Deux billets de vingt dollars tous fripés glissèrent entre mon pouce et l'index.

Je lui devais de la petite monnaie. Un gros total de quarante-cinq cennes en fait. Il leva son bras droit comme la brigadière qui fait traverser les gamins à tous les matins de la semaine au coin de ma rue. Elle lève la main à hauteur de la tête en signe de stop pour interdire aux jeunes d'attendre son signal pour le faire. "Laissez faire pour le change, monsieur le chauffeur. Vous pouvez garder le reste..."

Ma signature autorisée

8 commentaires:

Anonyme a dit…

J'lui aurais envoyé un "va donc chier" ben sec à sa sortie moi!!! :S

Marie-Lionne a dit…

Oula ! Je te lève mon chapeau ! Mais au fond je te comprends, s'il fallait que tu pognes les nerfs chaque fois qu'un tel moron embarque dans ton taxi... t'en serais rendu à te bourrer de Vallium. Alors vaut mieux respirer par le nez, contenir ses réactions et tâcher d'oublier aussitôt le client débarqué. Un tel type ne mérite surtout pas que tu te pompes pour lui...

Jean-François a dit…

@ Lily : J'y ai pensé mais comme on dit, le client a raison, même si je sais qu'il a tort.

De plus, s'il porte plainte ou me fait "barrer" sur les ondes (s'il se souvient de mon numéro de dôme), je vais devoir faire le tour et reprendre ma place à l'arrière du troupeau de voitures-taxi. Et pour cette raison, je vais me retenir. Rester zennnnnn...... :)


@ Lionne : En plus, il risque d'avoir déjà tout oublié à son réveil... À quoi bon escalader les répliques et risquer l'affrontement ?

L'alcool engendre la colère, tout le monde le sait. La provocation est mauvaise conseillère dans ce cas-ci ;)

MSC a dit…

Hmm...
Plutôt vache la remarque sur le change et de ne pas avoir donné de pourboire.

Jean-François a dit…

@ Hispong Elbayne : Tu pourrais préciser, je te prie ? Je dois avoir les deux yeux dans "la graisse de binne" ce matin, moi...

Jacynthe a dit…

Sa doit vraiment etre dure d'etre chauffeur de taxi et d avoir tout plein de gens et des chiant sans rien dire et que sourire.

cryzal a dit…

Merci pour ta visite chez moi, cela me permet de découvrir ton univers
au plaisir
Marie-Claude ;)

Jean-François a dit…

@ Jacynthe : Il n'y a rien de facile. La plupart de la clientèle est ben correct et d'autre plus chiante mais on ne peut pas satisfaire tout le monde, n'est-ce pas ?


@ cryzal : Ce fut un plaisir ma chère... Bienvenue à Boucherville et dans mon taxi virtuel :)

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