lundi 29 décembre 2008

Je m'arrête ou je continue, prise deux !

La nuit tire à sa fin. Il est plus que temps, d'ailleurs. Je tombe de fatigue à mesure que le jour se lève. Mais je ne pourrai pas encore me coucher avant d'être revenu du bureau des passeports, à Montréal. Car je dois régler ce détail dès ce matin. Si je veux le recevoir pour janvier 2009 et ne plus me casser la nénette pour autant.

Pendant que mes pensées se perdaient dans les dédales de la bureaucratie fédérale - foutu passeport - je me stationne devant un mur de briques servant de paravent à l'escalier d'un logement menant au sous-sol d'une résidence privée. J'attend un bon cinq minutes et j'entrevois deux têtes à longues chevelures se pointer au-dessus du muret. Puis une troisième : une blonde celle-là. Finalement, elles sortent toutes pour s'avancer vers le taxi. Et soudainement, j'éprouve une envie folle de reculer. Deux d'entre-elles sortent tout en soutenant l'une d'elle, la blonde. Sa mine ne me réjouie pas, loin de là.

Les deux portières arrières s'ouvrent presque simultanément et les filles, des pseudos adultes, embarquent tout en aidant leur copine à boucler sa ceinture. Elle m'a l'air tellement ivre, givrée, qu'elle me faisait penser à la poupée de bois, vous savez, celle de Pinocchio dont les fils pratiquement invisibles, s'animaient la nuit, comme par magie. Mais dans son cas, cette jeune fille semblait plutôt en être dépourvue.

Une fois à l'intérieur, les demoiselles me donnent enfin le lieu de ma destination prochaine : Sainte-Julie. Alors que je roule déjà, j'entends comme un bruit de digestion assez fort venant de l'arrière. Je n'ai pas le temps de me retourner que j'entends à nouveau un bruit de «rot», grotesque mais pourtant bien audible et je n'ai aucun mal à le distinguer du son de la radio qui, elle, jouait bien assez fort.

Le «rot» en question n'était pas venu seul, comme je le craignais. Mon appréhension allait en grandissant au fur et à mesure que le son prenait de l'ampleur. Je sentais même la panique gagner les deux copines assises entre celle qui allait rendre son repas dans la seconde. La panique gagnait le chauffeur aussi... Mes sacs de plastique n'étaient pas disponibles ni à la portée de ma main. Une vision cauchemardesque se redessinait dans ma tête. Je voyais le pire arriver mais sans y être encore.

Comme c'est ma nuit de chance et comme il me restait encore quelques heures à bosser, je ne me voyais pas et ne tenais pas à gâcher le reste de mon quart de travail à nettoyer la saloperie de cette ivrogne. Je n'osais surtout pas à me mettre les mains dedans. Dégueulasse !

Elles pouvaient avoir quelle âge au juste ? 18 ans ? Plus ou moins ? Elles me semblaient jeunes. Très jeunes. Je n'aurais pas été vraiment surpris d'avoir des mineures à mon bord. Et c'est la raison pour laquelle je leur avait demandé de s'attacher. Je ne voulais prendre aucune chance. Mais celle qui était plus malade, je regrettait juste un peu qu'elle soit attachée. Et si elle n'avait pas le temps de sortir pour régurgiter le contenu de son bol gastrique ? J'en devenait malade d'inquiétude. Lorsque je leur avait demandé leur âge, rapport à la ceinture évidemment et aussi pour ne pas les froisser, elles avaient toutes (ou presque) répondus avoir 18 ans. Étrange. Mais comme je ne suis pas flic, j'ai laissé tomber.

Et c'est arrivé sur la voie rapide de la A-20 Est, à la hauteur de l'autoroute 30, que la fille assise près de la fenêtre décide de vider son estomac. Le son que j'avais déjà entendu quelques minutes plus tôt venait de se reproduire à nouveau, mais cette fois, elle l'accompagnait d'un bruit étrange, comme celui d'une bouche fermée qui ne peut plus garder de liquide trop longtemps. Comme si on pinçait les deux joues pour tenter d'en extraire son contenu. Plutôt bizarre comme impression.

Aussitôt entendu, je me retourne et constate qu'elle avait vômi sur elle-même, ses effets personnels, son manteau. J'en saurai plus une fois rendu à destination. Pendant le trajet, j'avais pris soin d'avertir mes passagères que si je trouvais la voiture nauséabonde et très sale, je devrais les surfacturer pour un montant supplémentaire. À entendre leurs protestations, j'en avais conclu qu'elles n'étaient pas d'accord. Primo, je ne suis pas responsable de l'état physique et mental de mes clients/es. Secondo, je ne les avais pas forcés à boire.

Tersio, comme je bosse de nuit, les lave-autos sont fermés, pour la grande majorité. Je perd donc des revenus, par leurs fautes. Et son petit $20 n'est rien à comparé à ce que j'ai déjà chargé à l'époque de mes débuts (soixante dollars pour un méga dégât!)

Ces jeunes filles, qui ne semblaient pas s'en faire outre mesure et qui commençaient à me parler sur un ton qui frôlait l'arrogance, me disent que c'est MA voiture et que c'est À moi de la nettoyer. Je me suis dit, pour pas en rajouter, que je verrai bien sur place.

Une fois rendu sur la rue de nos princesses en herbe, je range le taxi devant l'entrée d'une belle grande maison de style Victorien. Les résidentes, petites filles de riches, avaient du mal à détacher la ceinture de leur amie et d'ouvrir la portière. Même pas fichu de trouver la poignée de la porte. Une fois dehors mais la porte encore ouverte, je me retourne d'un bond et, avec l'aide du plafonnier encore allumé, j'inspecte l'état du siège arrière. Comme je l'avait craint, la place vide directement située à côté de la fenêtre, côté droit, baignait dans une belle petite flaque de liquide crasseux. Ah non ! Heureusement pour moi, il n'y avait rien d'autre.

- Alors ? Je dois nettoyer moi-même ou vous le ferai ? À ces paroles, l'une d'elle pris un billet tout fripé et plié en quatre et le garrocha en plein sur le vômi de madame.

- C'est pas notre taxi, me dit-elle sur un ton assez ironique, tout en refermant brusquement la porte du taxi. Je ne voudrais pas remettre en question la pertinence de l'éducation parentale mais pour ce cas-ci, je dirais qu'il y avait sûrement eu un manque en quelque part. Je les voyais s'éloigner vers la maison et je me disais que je ne devais pas laisser faire les choses. Je savais que la mère d'une des trois venait de les faire entrer. Je décidai alors de leur donner une leçon.

Je suis sorti et suis allé sonner à la porte. La mère me répondit aussitôt :

- Oui ?

- Désolé pour le dérangement à pareille heure, madame. Mais l'une des filles à été malade et comme elles ne veulent pas nettoyer le dégât de l'une d'elle, auriez-vous de quoi laver mon siège s'il vous plaît ? Je pouvais entrevoir l'une d'elle sur le pallier, en haut des trois marches. La dame écoutait d'une oreille la jeune personne et me dit :

- Je comprend. Un petit instant, je vous prie... Et elle s'éloigna de la porte. À cet instant, celle qui était resté en retrait, me parla :

- Vous pourriez me rendre le billet de $20 au moins. Vous aller nettoyer votre voiture... avec mon produit de nettoyage...

- Je fulminais en entendais ces paroles sorties tout droit de la bouche d'une gamine mal élevée. Du tac au tac, je lui ai dit :

- Désolé mais je le garde. C'est pas toi qui va nettoyer le saloperie sur mon siège, mais moi. En plus, comptez-vous chanceuse d'être ici. Un autre chauffeur n'aurait pas eu la même mansuétude que moi. Il serait reparti aussitôt.

La dame de la maison reparue sur le seuil de sa porte et me remit un bol en acier inox ainsi qu'une débarbouillette humide et froide, tout comme l'eau. En prime, elle avait ajouté du savon à vaisselle. C'était mieux que rien. Je l'ai remercié rapidement et me suis dirigé vers la porte arrière du taxi. Malgré ma répulsion, je n'avais guère le choix de laver la portion de banquette sale.

Bon, on va dire que c'est propre. Humide mais propre au moins. J'ai laissé les accessoires sur le tapis de porte et j'ai quitté les lieux pour Boucherville. D'autres appels attendaient. Et je me demandait quelle raison j'allais trouver pour justifier le siège trempé....

Salut bien,

Jean-François

Ma signature autorisée

8 commentaires:

Anonyme a dit…

J'comprends que ceux qui sont en boisson veulent prendre un taxi..mais calvaire...vomir dedans, c'est vraiment pas d'classe!! Au moins, ouvre la fenêtre pis vomi dehors!!

Anonyme a dit…

Mouin!

Au moins moi je peux appeler l'entretien ménager quand j'ai un dégât...

Tu parles d'une bande de mal élevées!

rerint

Anonyme a dit…

Oulà!

Moi qui se croisais les doigts en espérant qu'aucun incident de la sorte ne se produise à bord de ton taxi...

Ça doit être de la faute au Karma de Galadriel ;-) !!!

Anonyme a dit…

Mais quelle histoire.... pauvre toi, j'en reviens pas, de l'attitude de ces filles et de la mère.

Personnellement, j'aurais non seulement ramassé mon dégat, mais je t'aurais dédommagé, voyons!

Mais, mieux que ça, je ne bois pas, et sachant que j'ai le mal des transports, j'ai toujours du gravol sous la main, donc, je ne vomi JAMAIS!!!

Tu as été bien courageux, je te lève mon chapeau....

Gros câlins, cher ami
-xxx-

Anonyme a dit…

@ Lily : Le hic c'est que la fenêtre était déjà grande ouverte... Je voulais pas la rendre malade avec tout cet air froid qui entrait à pleine capacité mais seulement lui enlever sa vilaine couleur olive qui lui donnait une face de sorcière.

Pis j'ai pas eu le temps de m'arrêter finalement; elle avait déjà tout rendu sur elle...

Difficile de s'arrêter sur l'autoroute 20!...:)



@ Galadriel : Les chauffeurs de taxi seraient pas mal mieux payés si on y ajoutait les autres corps de métiers, comme justement les concierges, les psy, ect... :)



@ Drew : Ben avec le métier que je fais mon cher, ça risque fort de se reproduire... Malheureusement.

Faudrait que je m'équipe de produits nettoyant pour les au cas où... Oui, je les mettrais bien dans le coffre de la voiture mais, à -20 Celcius ? Hum, pas sûr ...


@ Âme Tourmentée : Du monde parfait, ça n'existe pas en ce bas monde ma chère... (Soupir!) Bien évidemment, j'aurais préféré prendre des clients/es sobres mais ils auraient déjà leurs propres modes de transport : leurs voitures...


@ Tous : Merci pour vos bons commentaires, mes amis/es... :)

Anonyme a dit…

Mon Dieu!!! Heureusement que je ne fais pas ce métier pcq je crois que je serais malade aussi!!!
AH! Les ados et leur comportement, je me dis souvent que je ne sais pas ce qu'ils font quand je n'y suis pas... mais...laisse moi te dire que si une telle histoire était arrivée chez moi, j'aurais été tellement insulté des réponses de ma progéniture, que je lui aurais demandé de ressortir et d'aller elle même nettoyer son dégât!!!!! Ça aurait été il me semble la meilleure attitude de la part de la mère pour redonner à sa fille un peu d'éducation.. On dirait bien qu'il lui en manque un bout!!!!!

MIKA

Anonyme a dit…

Ostik que ça manque de classe! M'semble que la bienséance (ou enfin ce que nos parents sont supposés nous apprendre étant kids) veut que si on est pour vomir, on devrait prévenir le chauffeur pour qu'il ait le temps de s'arrêter sur le côté de la rue (si possible!). Au pire aller, si tu salis l'auto, tu paies un extra, tu nettoyes pis tu FARMES TA YEULE ! espèce de p'tites filles de riches !

Ça me répugne des gens comme ça moi ! Les enfants sont de moins en moins élevés, et savent de moins en moins vivre ... Pffffff !

J'suis tu en maudit moi là? LOL

Anonyme a dit…

@ Drew: COMMENT ÇA DE MA FAUTE???
M'as t'en faire toi...
:P

bratifi

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